Regard sur l’image

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- Rachel Nieborg, question de temps

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Pendant mon séjour à Amsterdam, en résidence à la Maison Descartes, j’ai découvert, par hasard, à la galerie Rademakers, la série de photographies intitulée Bullet, composée de natures-mortes réalisées par Rachel Nieborg. Chacune de ces images manifestement inspirées de la nature-morte flamande présente un instant qui n’a jamais existé et n’existera jamais à l’encontre de la nature-morte hollandaise qui parle d’un instant qui n’a pas existé et qui pourtant existera éternellement. Pourtant, ces images parlent l’une et l’autre, chacune à leur manière, de la mort comme d’un destin.

Ces images, que ce soit les photographies de Rachel Nieborg, ou les peintures flamandes n’existent aussi que parce que l’humain a une existence limitée voire éphémère, à l’échelle du temps terrestre. Les photos de Rachel Neiborg, comme la peinture flamande parlent, l’une comme l’autre, des déficiences de notre œil et de ses nombreux points aveugles. De fait, le centre de l’œil comme nous le montre Rachel Neiborg ainsi que la peinture flamande n’est pas notre seul point aveugle. Ainsi, l’être humain est dans l’incapacité de voir la rupture figée par ces photographies, comme il est tout aussi incapable de voir les évolutions des images flamandes, plus particulièrement, si ces dernières sont composées d’objets inanimés ou encore imputrescibles. En fait, Rachel Nieborg ou les peintre flamands, l’un comme l’autre parle de la continuité de la rupture, de l’épreuve de la réalité.

Reekers

Les natures-mortes flamandes parlent d’objets inanimés, le travail de Rachel Neiborg, dans la série Bullet, anime les objets encore qu’il soit possible de dire que la série DNA anime, elle aussi les objets. Ces peintures, comme ces photos parlent de notre intimité avec le temps.

Par ailleurs, nous ne pouvons nous empêcher de faire un parallèle entre ce travail et celui de Shirin Neshatb, Amie Ghasemi ou Shadi Ghadirian... Car chacun de ces photographes pratiquent une relecture de leur héritage culturel. Ce qui est encore une manière de parler de notre rapport au temps.

Rachel Neiborg affronte aussi l’histoire de la peinture en réalisant certaines de ces natures-mortes avec des arrière-plans en ciment, matériau contemporain par excellence. Elle nous rappelle ainsi que ces arrières-plans des peintures flamandes que nous trouvons sublimes appartenaient au quotidien tout comme le béton est partie prenante du nôtre.

© Rachel Nieborg

D’un point de vue matériel, il est important de remarquer que pour les photographies de la série avec un arrière-plan en ciment, elle opte, de préférence, car elle laisse le choix au collectionneur, pour des tirages sur support brillant tandis que les autres photographies de cette série sont tirées de préférence sur papier mat. À quoi correspond ce choix de deux supports à l’intérieur d’une même série ? Au désir de nous interroger sur la ressemblance c’est-à-dire sur le médium utilisé : la photographie. De fait, malgré cette ressemblance, elle nous rappelle que photographier et, peut-être plus largement, créer une image, c’est fabriquer de la dissemblance.

© Rachel Nieborg

L’image au nom de la différence