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- Abondance nuit (nouvelle version)Première version 2009

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Eudoro Acevedo [1]. regarde l’un des premiers sites de l’histoire de l’Internet et déclare :
« C’est de l’informaiton. Chez-moi, il doit y en avoir plus de quatre mille, mais évidemment moins anciennes et moins précieuses que celle-ci. »

Son interlocuteur se met à rire :
« Personne ne peut analyser quatre mille sites. Depuis quatre siècles que je vis, je n’ai pas dû en contempler plus qu’une trentaine. D’ailleurs ce qui importe ce n’est pas de voir mais d’analyser. L’internet maintenant aboli, a été l’un des pires fléaux de l’humanité, car il a tendu à multiplier jusqu’au vertige des informations tout à fait inutiles. »

Ce dialogue pourrait prolonger par un autre dialogue [2]
Barrildo :
« Maintenant qu’on regarde tant d’informations sur Internet, il n’est personne qui ne se pique d’être savant. »

Leonelo répond :
« A cause de cela même, j’estime au contraire qu’on est plus ignorant car le savoir ne peut se limiter à une brève somme : l’excès des informations est source de confusion et réduit les efforts qu’on fait à une vaine écume. Et l’homme le plus rompu à l’analyse finit, à la seule vue de tant d’information, par y perdre son latin. »

Étonné par cette remarque, Barrildo affirme :
« Mais, Leonelo, l’internet est une invention importante. ».

ce dont n’est guère convaincu le “licenciado” :
« On s’en est passé pendant des siècles, et on ne voit pas que le nôtre ait révélé un Jérôme-Bosch, un Kant, un Malraux ou un Eugène Smith. La multiplication des images est source de confusion plus que de savoir, et l’internet qui a généré un excès d’information qui n’a pas produit de nouveaux génies. »

En guise d’épilogue 2010
« - Moi, j’ai trouvé que c’était absolument extraordinaire de pouvoir lire chez soi la totalité de ce que l’homme a pensé et écrit. Vous n’allez quand même pas regretter le temps des parchemins et des moines copistes.

- Evidemment non, mais il faut que tu réalises que d’un seul coup, en très peu d’années, l’homme a été accablé par tout le poids du savoir. Il a été submergé par ce brusque encombrement des acquisitions qu’il ne maîtrisait plus. Le savoir était devenu universel et il se répandait, se propageait, se divulguait partout, depuis la chaire de savant jusqu’à la table de l’écolier. Ce jour-là l’homme a compris qu’il lui serait désormais impossible d’assimiler, d’organiser, de simplement classer la totalité du savoir.(...)  »
in Potermo, de Roland Le Mollé, Actes Sud 2010