Après avoir fait appel d’une première décision concernant la poupée vaudou à son effigie, Monsieur Sarkozy vient de perdre à nouveau ou de ne pas gagner son procès. En effet, si ce dernier n’est plus condamné aux dépens, le livre n’est toujours pas interdit. Certes il n’a plus à payer les frais juridiques de la partie adverse mais, d’un point de vue purement juridique, cette condamnation aux dépens était problématique. En effet, dans le droit de la Ve République, le président est protégé, pendant la durée de son mandat, par son immunité. On ne saura donc jamais dans quelle mesure l’annulation de cette condamnation est un alignement sur le droit ou un allégement de la peine du Président.
Le grand perdant de cette histoire, c’est la démocratie. Comment allons-nous pouvoir encore invoquer la différence entre le réel et l’image après un tel jugement ou encore l’appartenance du religieux à la sphère privée ! Nous devenons ridicule avec un président qui confond une fois de plus image et réalité. Comme si piquer une poupée avec des aiguilles était une atteinte à la dignité de qui que ce soit. Intenter un procès pour ce motif, voire invoquer une incitation à la haine comme l’a fait l’avocat du Président de la République, c’est affirmer pour le moins la confusion de l’image et de la réalité ou encore affirmer sa croyance dans les rites animistes Vaudou. Certes, cette croyance est parfaitement respectable mais, elle appartient à la sphère privée et ne justifie donc pas un procès. De plus, si le président souhaite se protéger, parce qu’il croit dans les rites Vaudou, les moyens juridiques sont inadéquats. Il doit faire appel à des contre-pouvoirs religieux.
Si Monsieur Sarkozy considère que cette poupée est une atteinte à sa dignité, que peut-il argumenter, que pouvons nous argumenter aux Musulmans qui considèrent que les caricatures de Mahomet sont une atteinte à la dignité de Mahomet et à celle de l’Islam ? Il ne nous reste qu’à nous taire. Nous sommes d’autant plus ridicule que le président de la République s’est permis de donner des leçons aux Musulmans lors de cette affaire.
Le grand perdant de cet épisode de l’histoire des liens entre l’image et la réalité est la démocratie. Le grand gagnant est l’éditeur qui s’offre une publicité extraordinaire pour le prix des honoraires de son avocat et pour un euro d’amende. Drôle de méthode pour lancer un livre. Si toutefois vous doutez de l’impact publicitaire de cet évènement, sachez que l’éditeur s’est empressé après la communication du jugement d’annoncer un tirage de 20000 exemplaires de ce coffret. Coffret qui figure en tête des meilleures ventes de livres sur Amazone.
A force de tonner contrer les abus de l’image, on finit par leur donner encore plus de visibilité.
© Hervé Bernard 2008
Sur la question des liens entre l’image et la réalité, voir aussi notre article sur les photos des Talibans parues dans Paris-Match.