Données ou data ?
La montée en puissance du mot data indiquerait-elle un glissement de sens de la donnée vers une connotation de plus en scientifique sous-tendu par le terme data au détriment de son sens originel ?
Par essence ce qui nous est donné, nous ne devons point le chercher. Il s’ensuit que ces données ne possèdent aucun caractère scientifique puisqu’elles ne sont le fruit d’aucune recherche, d’aucun calcul. D’’autre part, leur collecte ne peut plus être le fruit d’un travail au-delà du temps passé à les collecter, le terme utilisé pour les représenter niant cette idée de travail et les apparente aux produits d’une cueillette.
Si l’on se réfère à l’étymologie du mot donnée, dans sa première acceptation (1200), celui-ci désigne un don c’est-à-dire une aumône ou une distribution. Cette acceptation est encore valide au XVIIIe siècle, l’Encyclopédie ( t. 5) définit ainsi ce terme « Participe passé subst. de donner au sens de “ offrir, faire l’aumône ” (I) et de “ indiquer, dire ” (II). » C’est ainsi que l’on donne son chemin à une personne égarée.
Ce n’est que dans les années 1932 que les données évoluent vers le sens que l’on lui connait actuellement : « Quantité connue dans l’énoncé d’un problème et qui sert à trouver la solution » ou encore « Ce qui est connu et admis, et qui sert de base, à un raisonnement, à un examen ou à une recherche. » Pour devenir par un assemblage de ces deux sens dans les années 1960 un « Ensemble des indications enregistrées en machine pour permettre l’analyse et/ou la recherche automatique des informations » (Cros-Gardin 1964). On peut supposer que ce glissement de sens entre les données d’un problème et l’aumone se fait par une concaténation du sens premier de don et du sens second d’indiquer, de dire.
Revenons cependant à ce glissement des données au data. Est-il porteur de sens ?
Nous venons de constater que ce qui nous est donné ne peut nous être retiré. Le don, le cadeau, par essence ne peut être repris. Dans le cas contraire, comme nous le rappel le proverbe, c’est du vol. Or si une base de données nous est donnée, elle ne peut donc nous être vendus et en voie de conséquences, elle ne peut-être vendu à des tiers.
Le remplacement de données par data n’est pas donc pas un simple snobisme destiné à valoriser une action. Ainsi, il est plus chic de dire je surfe sur la glace que de dire je glisse, accessoirement, cela laisse entendre une plus grande maîtrise. Certes data a les mêmes origines que données (donare en latin) mais ainsi que le précise Astérix nous avons tous perdus notre latin.
Cependant, les organismes de marketing ou encore les sites de collectes d’informations eux, n’ont pas perdus le nord, et ces fameuses données personnelles, ils se gardent bien de nous rappeler que pour une part d’entre elles, c’est un cadeau qui nous est fait le jour de notre naissance et, cette part est essentielle puisqu’elle va permettre de les identifier et de les tracer tout au long de notre vie. Ces données individuelles nous sont données et nous sont inaliénables. Comme nous le disions précédemment “Donner, c’est donner et reprendre c’est voler”.
Souces CNTRL
Le livre selon Google, film d’Arte à propos de la numérisation des livres par Google illustre ce glissement des données au data.
Malhereusement, ce film n’est plus diffusé.
"Toutes les technologies de rupture bouleversent les équilibres de pouvoir traditionnels, et l’internet ne fait pas exception. Le scénario classique est qu’il donne du pouvoir aux moins puissants, mais ce n’est que la moitié de l’histoire. L’internet donne de la puissance à tous. Les institutions puissantes peuvent être lentes à faire usage de ce nouveau pouvoir, mais, comme elles sont puissantes, elles peuvent l’utiliser plus efficacement. Gouvernements et entreprises ont pris conscience du fait que non seulement ils peuvent utiliser l’internet, mais qu’ils peuvent aussi y contrôler leurs intérêts."