« Voir. On pourrait dire que toute la Vie est là, — sinon finalement, du moins essentiellement. Être plus, c’est s’unir davantage : tels seront le résumé et la conclusion même de cet ouvrage. Mais, le constaterons-nous encore, l’unité ne grandit que supportée par un accroissement de conscience, c’est-à-dire de vision. Voilà pourquoi, sans doute, l’histoire du Monde vivant se ramène à l’élaboration d’yeux toujours plus parfaits au sein d’un Cosmos où il est possible de discerner toujours davantage. La perfection d’un animal, la suprématie de l’être pensant, ne se mesurent-elles pas à la pénétration et au pouvoir synthétique de leur regard ? Chercher à voir plus et mieux n’est donc pas une fantaisie, une curiosité, un luxe. Voir ou périr. Telle est la situation, imposée par le don mystérieux de l’existence, à tout ce qui est élément de l’Univers. Et telle est par suite, à un degré supérieur, la condition humaine.
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« Subjectivement, d’abord, nous sommes inévitablement centre de perspective, par rapport à nous-mêmes.
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« Parvenus à l’extrême de leurs analyses, ils ne savent plus trop si la structure qu’ils atteignent est l’essence de la Matière qu’ils étudient, ou bien le reflet de leur propre pensée.
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« Il n’est pas besoin d’être un homme pour apercevoir les objets et les forces « en rond » autour de soi. Tous les animaux en sont là aussi bien que nous-mêmes. »
Cet extrait de Le Phénomène humain de Pierre Teilhard de Chardin pourrait, bien qu’antécédent, être un commentaire de La Spirale d’Italo Calvino © Gallimard, 2013 Pour la traduction et la révision.
- Notes sur La Spirale d’Italo Calvino, Une conscience transhistorique, par Jean-Louis Poitevin