Regard sur l’image

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- Image et saturation V3

,  par Hervé BERNARD dit RVB

 1 Prélude
Dans le cadre de la théorie de l’information, l’image, au même titre que le son est un signal. Cette théorie précise qu’un signal saturé se dégrade proportionnellement à l’accroissement de cette saturation. Pour faire une métaphore, ce signal a un comportement similaire à celui d’un sol saturé d’eau. Une fois la saturation atteinte, ce sol devient incapable d’absorber la moindre goutte d’eau la moindre goutte d’eau supplémentaire tout comme un signal saturé devient incapable de transporter la moindre information supplémentaire. Simultanément, comme le signal saturé, ce sol voit ses propriétés se dégrader. Ainsi, avec sa liquéfaction, sa portance se réduit. De même, l’eau saturée de sel perd, elle aussi, les propriétés de l’eau pour devenir une saumure, c’est-à-dire autre chose. Ainsi, à quelques exceptions près, la saumure n’est pas propice à la vie végétale et animale. La trop grande quantité de sel correspond à une détérioration des propriétés de l’eau comme source de vie.

- 2 Image et saturation
Cependant, à notre connaissance, l’image est la seule information à se comporter différemment. En effet, augmenter la saturation d’une couleur [1], ou globalement d’une image n’est pas immédiatement signe de la dégradation de cette information.

En fait, cela dépend de l’étape du traitement du signal. Dans certains cas, cette augmentation n’est pas nocive, pour d’autres, elle l’est. Existerait-il deux types de saturation ? Une bonne et une mauvaise ?

Une amélioration
Ainsi, lors de la création d’une image, accroître sa saturation, selon le style du créateur d’image et selon le taux d’accroissement, peut s’avérer, d’un point de vue esthétique, être une amélioration de la « qualité » de cette image, de cette couleur...

À première vue, cet accroissement, correspond bien à une information et non à une déperdition de l’information comme dans le cas du traitement du signal.

Le cas du laser
Un laser est une lumière particulière. C’est, par excellence, la source d’émission lumineuse monospectrale de référence. Comme source monospectrale, elle présente donc la caractéristique d’émettre une couleur extrêmement saturée. Un laser dont la couleur n’est pas saturé, est dans l’état de nos connaissances, impossible à réaliser.

Une dégradation
Cependant, il existe un domaine de l’image ou la saturation correspond à une dégradation de l’information, c’est la vidéo PAL ou NTSC qui sont des encodages analogiques d’un signal électrique retransmettant une information visuelle et sonore. Au-delà d’une certaine intensité de la couleur, la couleur bave. Cela signifie que dans le cas d’une cravate rouge, par exemple, le rouge va déborder sur le blanc de la chemise ou sur le noir de la veste même si, dans ce dernier cas, ce débordement sera moins visible.

Quel est le point commun entre la vidéo et le son enregistré ? Ce sont des signaux électriques. Les problèmes de saturation seraient-ils alors réservée au signal électrique ? On pourrait le croire.

 3 Saturation analogique
Cependant, ce phénomène existe pourtant dans le monde argentique. La surexposition d’une zone de l’image est l’équivalent de la saturation d’un signal. En fait, la zone surexposée est saturée de lumière et ne peut donc plus absorber une quantité supérieure de lumière. Dans une photo argentique, les étoiles et le halo autour d’une source lumineuse ou autour du soleil sont une manifestation de la saturation d’une pellicule photographique. Celle-ci a reçu trop de lumière par rapport à ses capacités d’absorption, la lumière déborde, inonde son environnement. Certains diront que la surexposition est plus progressive pour l’argentique que pour le signal électronique mais elle correspond toujours aux limites d’assimilation du système. Et en numérique ? Là aussi, les mêmes causes provoquent les mêmes effets.

En vidéo analogique ou numérique, pour empêcher une couleur de saturer, on va la désaturer manuellement ou automatiquement. Pour cela, on « salit » son spectre en ajoutant la couleur de l’une ou de ses deux couleurs complémentaires. Ainsi, dans un rouge, on ajoutera un peu de vert et de bleu.

Par conséquent, que l’on parle de saturation d’un signal ou d’une couleur, ces deux phénomènes sont identiques dans le monde analogique comme numérique. Ce phénomène existe-t-il dans la nature ?

 4 Et physiologiquement ?
Certes on parle des couleurs saturées d’un paysage ou d’une fleur mais, il reste difficile de dire d’un son naturel ou encore d’une couleur qu’ils sont trop saturées ou surexposées notamment en raison des qualités perspectives de notre système visuel et auditif. Pour qu’une couleur, un son sature au sens du traitement de l’information, faudrait-il qu’ils soient enregistrés ? Non, ainsi, lorsque nous sommes éblouis par le soleil, en fait nos yeux saturent. Ils deviennent incapable d’assimiler la quantité de lumière émise par le soleil. Il en est de même pour un son strident.

Revenon au traitement du signal, la zone saturée d’une image, lors d’un tournage en numérique, est une zone brûlée, c’est-à-dire blanche. En numérique, la zone saturée désigne non seulement cette zone brûlée mais aussi la zone ou la couleur déborde sur les couleurs avoisinantes, phénomène mieux maîtrisé pour un signal numérique que pour un signal analogique comme la vidéo traditionnelle. Le numérique ayant permis de réduire fortement ce dernier phénomène par des limiteurs, appareillage élecro-numérique plus ou moins automatique.

D’autre part, en numérique, comme en argentique, les limites du système varie selon son échantillonnage. Un échantillonnage en 16 bits par couleur primaire assure une plus grande dynamique qu’un échantillonnage en 8 bits, la saturation du système est donc moins rapide. Des conclusions précédentes, peut-on à priori déduire qu’en numérique, la saturation d’une image au sens du traitement du signal, c’est la surexposition d’une zone ? La surexposition en est certainement l’une des formes.

 5 Confusions
Là où le bât blesse, c’est que le mot saturation dans les systèmes de description de la couleur d’une image désigne la pureté de la couleur tandis que le mot saturation dans le traitement du signal désigne une quantité de signal trop importante pour les capacités de « digestion » du système d’enregistrement, de retransmission..

Un signal saturé indique le dépassement de la « dose prescrite » dans un système donné : l’oxygène dans le sang, le sel dans l’eau, l’intensité de la lumière dans un système de reproduction de l’image ou d’une partie du spectre dans un système sonore. La saturation correspond à une « indigestion » du système. Tout système a ses limites, donc tout système sature ou saturera à un moment ou autre. La saturation de la couleur, tel qu’on l’évoque en photographie ou dans les arts graphiques serait-elle alors une exception ?

En fait, la saturation d’une couleur, du point de vue du traitement du signal et donc techniquement, désigne elle aussi une perte qui engendre une distorsion du signal. Car plus une couleur est saturée, c’est-à-dire pure, moins elle contient de nuances pour devenir, si l’on pousse la saturation d’une couleur, dans une photographie, un simple à-plat sans aucune nuance. En fait une couleur saturée à son maximum existe très exceptionnellement dans la nature. La question qu’il faut alors se poser est la suivante : cette saturation de la couleur, dans le cas d’une photographie, d’une vidéo correspond-elle à une perte de nuances par rapport à la scène naturelle ? Dans quelle mesure cette perte est significative et, surtout, dans quelle mesure cet accroissement provoque-t-il un accroissement de l’information provoqué par un accroissement de la netteté subjective ou par un accroissement de l’intensité de cette couleur ?

En fait, c’est uniquement pour des motifs esthétiques et non des motifs techniques que la saturation d’une couleur ne désigne pas une perte. Dans la réalité, augmenter la saturation d’une image, correspond bien à une distorsion du signal. Cette augmentation génère bien des pertes d’information. Au fur et à mesure de son augmentation, des nuances disparaissent une à une. Seule l’esthétique en fait une qualité. Il est d’ailleurs possible de considérer que la pédale d’effets, le fuzz, l’overdrive ou encore certaines distorsions sonores en sont l’équivalent pour le monde sonore.

Et si finalement, la pureté correspondait à une distorsion, à une dégradation ?

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Regard sur l’image,
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350 pages, 150 illustrations, impression couleur, format : 21 x 28 cm,
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