(...) « Je ne peux pas me commercialiser, au sens de produire en séries, par exemple, ou de répondre au désir d’un acheteur, parce que je considère que si l’on n’est pas contre ce que l’on a déjà fait, on n’a rien accompli. il faut être en continuelle évolution par rapport à soi-même.
La continuation elle-même est une illusion, car il faut toujours être contre ce que l’on a fait.
Lorsque l’on travaille, il faut être conscient que c’est la première fois qu’on le fait. Il faut se débarrasser de l’habitude et des manies.
A.P. : Aimez-vous votre époque ?
R.R. : Je n’ai pas le choix !
A.P. : Qu’est-ce que l’avant-garde pour vous ?
R.R. : Le mot " avant-garde ", c’est " bullshit "..(c’est une blague) (...) Si vous me demandiez si je veux plaire ou déplaire, provoquer ou convaincre et si vous donniez encore une dizaine d’autres raisons, je serais obligé de dire que c’est, exactement, tout cela à la fois. La moitié de mes raisons serait négative et l’autre moitié positive. Mais l’effort de concentration de mon énergie sur un message me limiterait et je préfère aller vers l’inconnu.
A.P. : Voulez-vous insinuer que vous ne savez pas ce que vous voulez dire et que vous ne cherchez rien que ce que l’on veut trouver dans vos toiles ?
R.R. : S’il y avait un message spécifique, je serais limité par mes moyens, mes idéaux, mes préjugés.
Or, ce qui m’intéresse, c’est un contact, ce n’est pas d’exprimer un message.(...) »
extraits de l’entretien de Rauschenberg pour Arts n°821 en 1962. Mené par André Parinaud.