Marilyn Times Five 1968-1973 by Bruce Conner
Marilyn Times Five nous fait (re)découvrir l’importance des silences ainsi que de l’écran noir ce silence pictural. Marilyn Times Five nous rapelle que regarder, c’est non seulement avoir un œil actif qui se déplace dans l’image mais aussi que, regarder c’est imaginer et qui mieux que Marilyn Monroe pouvait faire éclore cette pensée.
Elle nous explique que, regarder de la musique, ce que nous faisons lorsque nous observons ces noirs silences picturaux, est fondamentalement différent d’un regard perdu dans le vague du mur de notre salon écoutant le même morceau sur notre chaîne stéréo. Marilyn Times Five affirme comment devant le noir, ce silence de l’image, que nous pouvons supplier que l’image revienne, comment le manque amplifie le désir. Et pourtant, ces noirs comme les silences ne sont pas rien, ils sont tout sauf vides.
En effet, ces silences picturaux sont peuplés par les images qui les ont précédées mais aussi par celles qui vont leur succéder et que l’on se plaît ou se surprend à pudiquement imaginer sans pourtant nous perdre dans de noires divagations. Ces noirs ponctuels et ponctuations se plaisent à stimuler notre imagination et notre regard.
Un montage, s’il est nécessaire de le préciser, ce n’est pas un simple bout à bout ; un montage c’est construire une narration qui rendra notre imagination opérante. Marilyn Times Five nous rappelle que raccourcir une séquence, ce n’est pas simplement enlever des images, les soustraire. C’est aussi transformer les images restantes, conservées ; comme si leur couper la tête et les pieds sublimeraient leur sens et leur poésie. De la même manière, Marilyn Times Five confirme que répéter ce n’est pas simplement redire, que la répétition n’est pas uniquement emphatique car elle transforme tout autant les répétitions précédentes que les suivantes et non par une simple hypnose. Celle-ci nous fait voir ce que l’on a pas vu et imaginer ce que l’on ne voit plus ou encore ce que l’on ne verra jamais mais aussi entendre ce que l’on avait pas entendu. Il se pourrait que ses chansons ne soient pas de simples bluettes comme l’affirme Fanny Ardant « Ce sont les chansons qui disent le plus de choses justes sur la vie. » la Femme d’à côté François Truffaut.
Monter quelques séquences de vacances, prises à la sauvette lors d’une soirée est une opération qui, ici, transmute ces images en l’un des court-métrages les plus émouvants de l’histoire du cinéma nous rappelant que notre imagination est le plus grand scénariste. Une fois de plus, voir, c’est croire ! En effet, ce film ne présente pas Marilyn mais est composé d’ extraits d’Apple Knockers and Coke, une célèbre boucle pornographique de la fin des années 1940 présentant Arline Hunter, une actrice ressemblant à Marilyn Monroe. La ressemblance, la chanson extraite de Certains l’aiment chaud nous amènent à croire ce que l’on voit c’est “réellement” Marilyn. L’objectif de Bruce Conner , ainsi qu’il l’affirme « était de prendre une partie des extraits, de les remonter afin de voir si la quintessence de “ Marilyn” pouvait émerger. » Objectif atteind ! Peut-être faudra-t-il avouer un jour, contrairement à l’affirmation des Évangiles, « Heureux ceux qui ne croient pas en ce qu’ils voient ! ».
© Hervé Bernard 2013