Remettre la terre à sa place est une dynamique qui débuta bien avant Galilée. Cependant, le XXe a connu le point nodal de cette dynamique avec la réalisation des premières photos de la terre depuis un satellite non-habité. Son apogée vint ensuite avec les photos réalisées par les premiers ramasseurs-cueilleurs de pierres de lune.
En effet, comme l’a affirmé l’un des astronautes, regarder la terre depuis l’espace fût, peut-être, finalement la première motivation de ce voyage car cette vision a recadrée notre vision et notre perspective de la terre. Avec cette image notre point de vue sur Gaïa a totalement été retournée. L’inverse d’une image selon la perspective [1] n’est pas le dos de cette image mais une image produite par le changement de position de l’observateur, une inversion du point de fuite et du point de vue de cette image [2].
Les photos de la terre réalisées depuis l’espace sont, en ce sens, l’inverse de toutes les photos du ciel réalisées auparavant et ultérieurement. En effet, le point de vue a pris la place du point de fuite et inversement. Auparavant, le point de vue est : de la Terre vers le Ciel et cette image nous fait basculer du Ciel vers la Terre.
Cette image est une inversion totale de notre point de vue sur terre. Physiquement, nous ne voyons plus la Terre depuis la Terre. Même dans un avion, nous sommes encore sur Terre. Nous voyons toujours la Terre depuis la Terre car notre véhicule reste dans l’atmosphère et l’atmosphère comme nous le rappelle le réchauffement climatique est finalement la vraie peau de la terre, son épiderme, la croûte terrestre étant le derme.
Métaphysiquement, cette image a aussi transformé notre vision. En effet, ces images puis, dans les années 1995, les images réalisées par Hubble, ce télescope qui nous permet de fouiner dans l’infini lointain à la recherche de notre infini petitesse, n’ont pas seulement changé notre point de vue, elles ont changé l’échelle de la planète terre : d’infiniment immense elle est passée au stade d’infinitésimale malgré ceux qui, parmi nous, croient encore en notre toute puissance.
Cette image régénéra et continue de régénérer la vision de la Terre comme un Tout, elle redonne vie aussi en Occident à cette conscience de la Terre-Mère à travers le mythe de Gaïa. Conscience présente en Europe comme aux États-Unis avant l’arrivée du Christianisme qui y vit une rivale. Pourtant, le culte de la Vierge à certains égards, fut une tentative malhabile de réintroduire la Terre-Mère.
Cependant, une fois cet impact assimilé, advint ultérieurement une autre surprise. Celle-là est due aux images de la terre les plus récentes : celles qui montrent la face de la Terre temporairement opposée au soleil. Donc, ces images nous font découvrir que, malgré notre microscopique petitesse, notre impact est immensément intense même aux échelles astronomiques figurées c’est-à-dire représentée par cette image. En effet, si l’on peut toujours parler de face caché au soleil, il est devenu impossible de parler de face obscure et par la disparition de cette obscurité, elle est devenue face émettrice de lumière tandis que la face exposée au soleil reste réceptrice.
Certains en tire un orgueil immense, d’autres commencent ou ressentent déjà une peur bleue à la vue du gigantisme de cet impact et s’interrogent sur notre capacité à le réduire. Souhaitons que ce second groupe soit, non seulement le plus important mais, aussi le plus efficace dans la réduction de notre empreinte écologique.