Regard sur l’image

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- Concordia, métaphore et exorcismeUne image mais, une image de quoi ?

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Comme le pointe, à l’époque, Olivier Beuvelet dans un excellent article de Owni sur l’iconographie du naufrage du Concordia, on peut s’interroger sur la quasi absence d’images des naufragés.

Certes, la clémence du bilan par rapport à celui du Titanic a contribué à ce choix, les circonstances du naufrage aussi. Cependant, une telle unanimité dans les publications est probablement porteuse de sens, caché peut-être, mais de sens malgré tout

1 Le bateau
Revenons sur la question du contexte : tous les événements, quel qu’ils soient sont contextuels et ce contexte s’exprime à plusieurs niveaux. Ainsi, pour le Concordia, le premier niveau est le contexte de l’événement lui-même :
 ici, l’un des plus grands paquebots de l’histoire de la navigation,
 un naufrage qui se passe relativement en douceur sur les côtes de l’Europe et, comme nous le disions précédemment un bilan clément. Nous reviendrons sur ce point.

Pour un tel événement, interviennent ensuite un contexte national et international et dans le cas du Concordia, le national et l’international sont relativement confus dans la mesure où plus personne n’attache d’importance au pavillon de ce genre de bateaux. On sait qu’il est plus ou moins connu. Le national est donc celui du lieu où l’événement a eu lieu. En l’occurrence, l’Italie et la nationalité des morts et disparus. Nous savons que l’intérêt d’un pays est proportionnel au nombre de ses concitoyens impliqués dans cet événement que ces citoyens soient décédés ou non importe peu.

Le Costa Concordia a fait naufrage le vendredi 13, Photo AFP Vincenzo Pinto

Et c’est là, qu’à notre sens, pour le Concordia, la question du bilan intervient. En effet, une fois l’anxiété passée, le soulagement laisse place à l’expression de l’inconscient. Or ce navire était présenté comme l’une des merveilles de la technologie occidentale, tout comme le Titanic. Pourtant, tout comme le Titanic, il coule.

2 La métaphore
Cependant, à l’opposé du capitaine du Titanic, homme de devoir formé à l’ancienne école de la marine, le capitaine du Concordia est présenté comme hâbleur, prétentieux... Hors, ce portrait rejoint le jugement d’une bonne partie de l’opinion publique, en tout cas, en Italie et en France, concernant leur capitaine respectif.

Nous avons là réunis, tous les ingrédients pour filer une métaphore, celle de la France et de l’Italie, deux pays de l’Europe considérés comme insubmersibles, image classique qui se trouve rénovée par le naufrage du Concordia. Comme de nombreuses images classiques —dont certains diront qu’elles constituent les fonds de casseroles de la culture européenne— la presse, inconsciemment s’en empare.

On voit alors se multiplier dans ces deux pays, les images de ce paquebot géant, tel un albatros embarrassé de ses ailes quand il est à terre, pour filer une métaphore marine ou baudelairienne. Ce qui est curieux, en tout cas en France, c’est que simultanément à la disparition de la presse des images du Concordia, le sujet de la perte d’un ou plusieurs A (classement de la dette) s’est lui aussi éteint.

Le Concordia serait-il une manière d’exorciser la peur d’un autre « naufrage » ?