Ce qui apparaît est là !
Ce qui apparaît est là ! C’est le mystère de la photographie, sa subjectivité et son objectivité simultanée. Pour reprendre les mots de Barbara Cassin : « il n’y a pas de différence, pas de distance, entre l’être et l’apparaître » [1] Là réside toute la complexion de l’appeau à réel (cf Regard sur l’image), ce qui en fait à la fois un témoignage et simultanément une fiction. C’est cette mixtion -ce mélange et ce mordant, dans les deux sens du terme mixtion- qui relate toute la complexion -constitution et tempérament- de l’image photographique, qui en fait toute la subtilité. Elle se situe simultanément du côté du réel et de la fiction.
“En effet, s’il n’y a pas de vrai tout court, donc pas de bivalence « vrai/faux », il y a, au comparatif, un « meilleur » (beltiô). [...] Il s’agit, comme dit Protagoras, de faire passer à des représentations [phantasmata] que d’aucuns, par manque d’expérience, appellent vraies, mais que j’appelle moi meilleures les unes que les autres, en rien plus vraies [beltiô men betera tôn beterôn, alêthestera de ouden] »
Le « meilleur » à son tour se définit comme un « meilleur pour » quelqu’un, homme ou cité, dans de telle circonstance et non dans telle autre, « un utile à »[...]” [2]
“« Assez de vérité pour ». La caractéristique essentielle de ce type vérité est de ne pas être une vérité-origine mais une vérité-résultat. [...] Au contraire, la vérité est produite par le processus de parole comme un point d’aboutissement, provisoire et suffisant, lié en l’occurrence à cet instant de retournement qu’est le kairos de la Commission [3].
[...] La première est la vérité « factuelle » ou « forensic », c’est une vérité de tribunal. [...] La seconde est « personnelle et narrative » : c’est la vérité mis en œuvre par chacun lors des auditions et des récits. La troisième est dite « sociale » : c’est la vérité de dialogue, obtenue via le processus de confrontation ou le partage langagier entre les victimes et les bourreaux. La quatrième, enfin, est la vérité qui soigne et qui restaure : celle à laquelle on décide de s’arrêter, celle qui suffit pour, enough for, produire un consensus [...]’’ [4]
"Le danger du totalitarisme est plus grand du côté fusion que du côté séparation.’’ [5]
Il n’y aura pas d’épiphanie de la vérité de l’image et plus largement de la Vérité car la vérité est le produit d’un travail, d’une maïeutique. Elle n’est donc pas plus universelle qu’individuelle. Et c’est cette vérité une, et universelle que recherche les totalitarismes d’où leur appétence pour la peur qui fait émerger une vérité, une, in-négociable dans laquelle tout le monde peut s’immerger. Les totalitarismes ont une appétence pour cette bivalence car elle détruit la nuance, l’échange et le partage. Pour eux, il est indispensable de séparer, diviser. Si l’on n’opte pas pour une attitude fusionnelle, on est l’ennemi. C’est en cela que les totalitarismes ont une appétence pour l’incestuel.