Regard sur l’image

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Se faire remettre la cravate en place (image et réel 9)À propos de la chronique de Gérard Lefort du 23 avril 2011, Libération

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Comment interpréter ce geste ?
Un peu de glose et de sociologie

 Se remettre la cravate en place devant quelqu’un, c’est affirmer son autorité. « C’est moi qui porte la cravate, j’ai donc le pouvoir de prendre des décisions, je te prie de ne pas l’oublier. » Telles sont, pour Philippe Turchet (spécialiste du langage corporel), le sens de se réajustement, la cravate fait pour lui, office d’organe d’autorité.
 Cravater se faire cravater : attraper, arrêter ; voler ; voler par agression ; interpeller ; prendre par le cou ; se faire prendre, se faire arrêter ; se faire voler.
 Remettre en place la cravate de quelqu’un est un geste familier réservé à un intime. En effet, ce geste est généralement effectué par un parent, une épouse ou un ami très proche avant que le porteur de la dite cravate ne sorte pour se rendre à un rendez-vous d’une grande importance. Par une inversion classique, dans le langage corporel ou verbal des voyous ce geste indique un grand désire de casser la gueule à la dite personne et le refus de passer à l’acte bien souvent par mépris pour cette personne qui ne vaut pas ou ne mérite pas la dépense d’énergie.

(c) Olivier Touron

(c) Olivier Touron Photo prise à Lille, lors d’un déplacement de Philippe de Villepin.

 La cravate serait dans la « psychanalyse de comptoir de café », le symbole du sexe masculin et par extension son nœud serait celui du gland. D’où là aussi, par un retournement familier à l’argot : « la tête de nœud » qui, le plus souvent, est « une tête de con ». Simultanément, on retrouve ici, une autre inversion avec le passage du masculin au féminin.
 Donner un tour de cravate : étrangler.
Toutes ces expressions montrent la richesse sémantique du geste en question. Richesse qui selon les interprétations feront de cette image, une métaphore ou une métonymie.

S’agit-il d’un geste ou d’une démarche ?

Geste : « Mouvement extérieur du corps (ou de l’une de ses parties), perçu comme exprimant une manière d’être ou de faire (de quelqu’un). »
Démarche : « Fait de se rendre chez quelqu’un, ou de s’adresser à lui (par écrit) pour un but déterminé, le plus souvent pour solliciter quelque chose. Au fig. Manière d’avancer dans un raisonnement, manière de penser. »

Tout dans l’attitude du personnage laisse à croire que son geste n’est pas seulement un geste quelconque mais bien une démarche. En effet, symboliquement ce geste est une pénétration dans l’intime de Philippe de Villepin. Et cette entrée procède d’une démarche certes, plus ou moins consciente puisqu’en Occident, on n’entre pas dans l’intime d’une personne sans motivation.

Au regard de de tout ces éléments « Oser toucher gaillardement Villepin [1] pourrait procéder d’une démarche réfléchie pour affirmer son mépris. D’ailleurs, le regard allumé du voisin de droite est là pour nous le rappeler. À moins que toutes ces analyses ne soient mise en brèche par un simple pari...