Article écrit suite à la publication par Libération d’un article (07/11/2009) sur une collection de photos réalisées par les membres du parti nazi allemand pendant la seconde guerre mondiale.
Au premier abord, ces photos nous montrent des scènes de famille ordinaire : un couple qui s’embrasse, deux hommes en maillot de bain, des enfants qui jouent... Cependant, à bien les regarder, au-delà des insignes nazis ou des portraits d’Hitler, ces scènes ne sont pas si banales que cela. En effet, si l’on observe par exemple ce couple qui s’embrasse, on suppose au premier abord, amoureusement ou tendrement ; on remarque alors une distance qui pourrait marquer une absence de relation affective. En effet, cette distance nous semble bien au-delà de la distance qui sied au bourgeois de l’époque. Elle marque une mise à l’écart de l’autre autant opéré par l’homme que par la femme. Cet écart est renforcé par cette absence d’élan vers l’autre membre de ce couple, le seul lien apparent entre ces deux êtres est leur bouche collée (au sens propre) l’une contre l’autre. On n’y retrouve même pas l’élan de la sexualité. Cette distance fait de cette scène une scène de la comédie théâtrale de la bienséance sociale.
De même, ce couple de baigneurs apparaissant au premier abord comme un couple classique pour devenir au second regard un couple dont la femme a une attitude bien virile et soudain, on réalise que cette femme est un homme. Hommes qui eux, malgré la distance qui les sépare, et contrairement à l’autre image de ce triptyque construit par le maquettiste de Libération (07/11/2009), sont bien proches à travers cette distance.
Dans l’interprétation de ces deux images, ce triptyque est essentiel, en effet, encadrer cette pendaison réalisée dans l’indifférence générale par ces deux scènes d’« amour » ou encore mettre au centre de ces deux photos de couples cette scène de pendaison, c’est nous rappeler toute la violence de ce monde qui nous paraît bien paisible. Scène de pendaison regardée comme un spectacle de pantomime par les nazis. C’est aussi nous redire combien l’association de plusieurs images construits un discours et nous rappeler que, dans certains cas, il est impossible de publier une image seule. Ainsi, il fallait impérativement extraire de ces albums de familles nazis une scène qui nous rappelle la barbarie de ces hommes.
La fausse douceur de ces deux photographies de couple nous renvoie d’ailleurs au « Ruban blanc », ce film qui affirme que la violence cachée dans une tendresse doucâtre finit toujours par se révéler et que cette violence cachée est la cause de cette montée en puissance du nazisme.
Ces photos des nazis en famille sont bien une démonstration, une preuve que la photo n’est pas le réel même si elle évoque le réel.