Deux mois et moins d’un million de dollars, c’est le prix du séquençage du génome d’un humain selon la revue Nature (mai 2008). C’est dire l’accélération de cette technologie qui à cette allure va bientôt se banaliser comme toutes les technologies ; le nucléaire militaire est là pour nous le rappeler.
Le clone, c’est la copie de notre image extérieure, même si la ressemblance physique est, ici aussi, intérieure puisque tous les organes sont identiques trait pour trait, défaut pour défaut, qualité pour qualité. La question qui n’est pas encore résolue, est de savoir si c’est aussi la copie de notre image intérieure, l’autre pas l’image physique ou physiologique. Ce qui nous amène à nous poser la question de la relation entre ces deux images ?
Chez le clone, qu’en est-il des souvenirs plus ou moins conscients de notre vie intra-utérine, de nos souvenirs de l’accouchement dont on sait l’importance, la prégnance dans notre manière de voir et de vivre la vie ? Prégnance que nous révèle ceux qui ont eu une naissante abrupte, par césarienne par exemple, ou encore précédé par une fausse couche, qui restent marqués par cette image de rupture, à tel point qu’elle devient leur point de vue sur le monde. Comme nous le montre tout autant ceux qui ont vécu la brutalité d’une naissance au forceps qui fait de ces enfants, des enfants bulldozer, qui passent en force partout où ils veulent aller. Adultes qui mettront tant d’années à se défaire de cette manie de tout renverser sur leur passage y compris ceux qu’ils ne veulent pas atteindre
Parler des clones, comme d’une copie conforme alors que ces êtres naissent « from scratch » pour reprendre une image d’outre-atlantique est peut-être une image abusive. Privés, de ces souffrances mais aussi de la joie de naître par soi-même, à son rythme et en communication avec ses parents. Comment vont-ils pouvoir se définir, adopter un point de vue ? Cette absence ne sera-t-elle pas encore plus difficile à vivre que ces souffrances ? Et comment vont interagir ces deux images : l’image extérieure et l’image intérieure qui sera, dans le cas du clone incomplète, inachevée. Notre clone aura-t-il partiellement, un peu ou pas du tout, les mêmes souvenirs que nous ?
Hans Belting affirme que « Nous portons chacun en nous nos propres images et cherchons à les retrouver dans le monde. (…) La vraie question n’est pas le dualisme entre image extérieure et image intérieure, mais plutôt l’interaction entre ce que nous voyons et ce que nous imaginons ou dont nous nous souvenons, interaction, et non simple dualisme. » Un clone, s’il est un être humain pourra-t-il vivre sans ces interrogations ou avec ces interrogations tronquées ? Que fera-t-il de la violence de cette incomplétude ?
« La perte de l’image est une perte d’humanité dans une perte de la distance qui fonde toute représentation. La psychanalyse viendra refonder ce constat en découvrant que la souffrance psychique la plus grave, celle qui produit la psychose est une pathologie de l’image de soi où le psychotique n’est plus en mesure d’être à distance de soi ni à distance du monde.. Ses mains n’écartent plus rien. Inséparé, il est sans image et sans mot. [1]. »
Alors, le clone, une machine à fabriquer des psychotiques ?