Zizek et les images, ou la mise au jour par le film…
De retour de Namur où j’ai participé à une journée d’étude organisée par les FUNDP, autour deSlavoj Zizek, je reporte ici le texte de mon intervention-questionnement qui portait spécifiquement sur son recours au cinéma comme illustration… Sa réponse riche et foisonnante – comme son oeuvre et sa personnalité d’une très franche sympathie- n’a malheureusement pas été “conservée”, mais on peut dire qu’il s’est dit très intéressé par l’idée de mener l’analyse complète d’un film plan par plan… réjouissant programme…
Voici des larmes qui ont fait couler beaucoup d’encre…ce sont les fameuses larmes dont il est question dans Lacrimae rerum, celles qui ont suscité l’effroi chez celui qui les a filmées, Krzysztof Kieslowski….
Premier amour, Kieslowski, 1974
Image choquante, le zoom avant sur la larme en train de glisser sur la joue, la présence du micro, en avant dans le champ, comme une épée, pour “piquer” l’émotion du sujet filmé, nous indiquent combien ce plan est intrusif, voire agressif. Kieslowski, conscient d’avoir franchi une limite, en fera le pivot d’une réforme éthique, comme vous l’avez admirablement montré dans Lacrimae Rerum, où vous accordez à ces larmes toute leur importance symbolique. Kieslowski les évoque en effet quand il explique son « passage » progressif à la fiction, renonçant à s’appuyer sur la seule « dramaturgie du réel » il va affirmer sa décision éthique de remplacer les larmes réelles par de la glycérine qui a sur l’écran le même aspect, donne la même image… Le Décalogue, film sur la question du choix éthique inscrira définitivement son propre choix éthique de la fiction, des images fausses, dans son cheminement à travers les images.