« J’attribuais la plus haute importance à l’image, puisque j’allais jusqu’à la donner pour l’une des deux constantes universelles de la poésie. En outre, je comprenais très bien que la faiblesse ou la banalité d’une image vient communément qu’elle unit deux termes par eux-mêmes trop ressemblants, déjà normalement perçus comme voisins. Il faut que le rapport soit perçu comme une surprise, peut-être un scandale, à coup sûr une révélation. Il convient que l’esprit éprouve une joie spécifique à découvrir une relation inattendue, une connivence nouvelle dans le réseau de l’inextricable univers. Mais il me paraît nécessaire que l’esprit soit conduit à acquiescer et ne puisse même refuser de le faire sans une mauvaise foi, au lieu que la conception surréaliste de l’image le mène à s’extasier à vide et de parti pris devant des métaphores dont l’unique vertu consiste à décourager la moindre justification. Autrement dit, j’admets que la force de l’image croisse avec l’éloignement des termes, mais je pose en principe que le rapport doit continuer d’être reconnu : certes, une image est d’autant plus efficace qu’elle est plus surprenante en un premier temps, mais elle n’est efficace que parce que d’abord elle est juste- Autrement, elle n’a aucune prise sur la mémoire et la sensibilité. Elle est impuissante à y laisser sa trace. »
Roger Caillois, Intervention Surréaliste, (Divergences et Connivences),
extrait de Œuvres, collection Quarto, Gallimard
Roger Caillois et l’image
- « Et Dieu créa l’Homme à son Image. »