- L’image sur internet, une illusion d’image
Avec l’apparition de l’image sur internet puis son usage abusif, voir iconoolique (néologisme composé à partir d’icône et de alcoolique, cf Regard sur l’image), ce media relance le débat sur les relations médium – média. En effet, regarder une image sur Internet, imprimée dans un grand format, dans un livre ou encore sur un Ebook, c’est regarder cinq images différentes. Cette position peut sembler paradoxale, au premier abord, cette image représente toujours le même sujet. Pourtant cette affirmation correspond à une situation bien réelle, une image est transformée par sa taille, ses couleurs…
En effet, la couleur à l’écran et la couleur imprimée sont bien différentes. Un écran est un support transparent, tandis que le papier est un support opaque ce qui donne théoriquement au premier la capacité de restituer un plus grand nombre de couleur notamment grâce à une gamme de contraste plus étendue. Pour développer cette affirmation, nous devons aborder la notion d’espace couleurs précisée et théorisée avec l’apparition de la PAO et de la photo numérique, la notion d’espace couleurs est, de fait, beaucoup plus ancienne.
Ainsi, avant l’apparition de ces techniques, il était de notoriété publique que certaines couleurs de la peinture à l’huile ou de la peinture acrylique n’était pas reproductible en photographie argentique. De même, il était tout aussi notoire que certaines couleurs, les couleurs flashy des néons par exemple, reproduites par la photographie étaient impossibles à restituer en édition papier classique. Certaines pellicules photographiques étaient connues pour être plus saturées que d’autres ; certains papiers photographiques noir et blanc étaient dits avoir une tonalité plus chaude (plus jaune-orangée) ou plus froide (plus bleue). L’ensemble de ces couleurs produites ou reproduites par ces différentes techniques correspondent à cette notion d’espace couleurs. Donc, chacun, photographe, graphiste, photograveur…. tel M Jourdain faisait de la gestion de la couleur sans même le savoir. De nos jours, ces affirmations sur les capacités colorimétriques de ces médiums restent globalement encore vérifiées. Cependant, avec l’apparition de l’écran, les choses se sont complexifiées et, c’est pour cela qu’il a fallu théoriser ces intuitions.
1 Écran vs papier
En effet, un écran, contrairement à un papier n’a ni un contraste défini ni une capacité à rendre une gamme de couleurs déterminées. Cette capacité va varier en fonction de trois paramètres : les photophores pour un écran cathodiques ou les filtres RVB placés devant la source lumineuse pour un écran LCD, plasma ou OLED, la carte graphique qui pilote cet écran et le logiciel utilisé pour afficher l’image. Certes, autrefois, le contraste d’une émulsion noir et blanc pouvait varier en fonction de son développement et du papier utilisé pour le tirage mais une fois le tirage effectué ce paramètre ne variait plus, comme tous les autres paramètres cités précédemment, il était figé une fois pour toutes. Avec le numérique, vous prenez deux écrans identiques et la même carte graphique, deux applications différentes, par exemple Photoshop et un butineur pour ouvrir un fichier et vous allez obtenir quatre résultats différents à partir de ce même fichier en fonction des combinaisons écran-logiciel. La calibration des écrans et plus largement de la chaîne graphique a donc été développée pour tenter de compenser cette problématique. À l’intérieur de la chaîne graphique ou de la chaîne cinématographique, ces difficultés sont aujourd’hui cernées et traitées à travers des normes de production : les profils couleurs intégrés aux fichiers et construites à partir de cette notion d’espace couleurs pourtant internet est venu perturber cette relative harmonie.
De fait, la majorité des browsers internet sont paramétrés de telle sorte qu’ils ne peuvent afficher que l’espace sRGB, espace couleurs dont la capacité de restituer les couleurs d’une image sur écran est la plus réduite. Pourtant, certains logiciesl comme Photosop donnent accès à des espaces bien plus grands comme le ProRGB dont le Gamut est beaucoup plus étendu. Les couleurs situées hors de l’espace sRGB seront alors affichées de manière plus ou moins aléatoire (voir illustration). Ainsi, un rouge deviendra magenta, un bleu foncé, quant à lui, deviendra turquoise, noir ou cyan… À cela s’ajoutera, comme pour la télévision, le problème du réglage de l’écran et le fait que la majorité des écrans d’ordinateurs portables sont brillants. En théorie, la brillance de l’écran permet de produire une image plus saturée et plus contrastée mais cette capacité est largement annihilée par la perturbation des reflets de la pièce sur l’écran. Dans certains cas, ces reflets apparaissent que la situation peut devenir catastrophique ; notamment si cet écran est placé face à une fenêtre ou un mur blanc. Il est donc très vivement déconseillé d’acquérir un portable ou un écran de télé ayant cette caractéristique. À cette question de la couleur de l’image vient s’ajouter la distance spectateur écran. Les spécialistes de la perception visuelle considèrent que la distance idéale pour regarder une image est de trois fois la longueur de cette diagonale. Globalement, nous regardons donc un écran d’ordinateur de trop prêt et un écran de télévision de trop loin.
2 Image et format
L’image qu’elle soit fixe ou animée, contrairement au livre a une dimension et des proportions. Certes lire un livre imprimé sur papier bible ne procure pas le même plaisir que de lire cet ouvrage en poche mais cette différence de confort ne modifie pas fondamentalement le sens de l’ouvrage même si ce plaisir peut faciliter la concentration.
Ses proportions désignent le rapport entre le grand et le petit côté d’une image. Ainsi une image carré a un rapport de 1:1 tandis qu’une image au format 24×36 a un rapport de 2:3. Ces proportions sont fondamentales car elles garantissent le respect des échelles hauteur/largeur dans une image. C’est ce respect qui fera que les personnages ne donnent pas l’impression d’avoir pris subitement du poids ou au contraire de s’être affiné. C’est cette proportion ou homothétie qui n’ai pas respectée lorsque que l’on coche l’option : « remplir l’écran » disponible sur certains téléviseurs. C’est ce respect de ces proportions qui expliquent la présence de bords noirs verticaux ou horizontaux lors de la diffusion de certains films à la télévision. Ainsi, les bords noirs horizontaux correspondent à un film tourné en cinémascope. Pourquoi ne pas les supprimer ? Parce que leur suppression implique de supprimer une partie de l’image. Ainsi, dans le cas des films cinémascope, on risque de voir un acteur parler à l’un des bords de l’écran si son interlocuteur est bord cadre quand l’image est complète. Ce qui dans certains scénarios peut générer de splendides quiproquos. De même dans le cadre de la suppression des bords noirs verticaux, en fonction du cadrage, un visage peut se réduire à un menton.
Par ailleurs, certaines images sont faites pour être regardées dans un petit format, d’autres ont besoin de grandes dimensions pour respirer. C’est pour cela que je refuse de regarder « 2001, l’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick ailleurs que sur un grand écran. Donc une image a une échelle. Certaines images ou mises en page ne peuvent être présenter sur internet en raison de la taille des écrans. Beaucoup trop petits par rapport à la taille du projet final. Ainsi, de même, je me refuse à présenter sur internet les dix panneaux de mon projet « Variations100 – 10 appeaux à réel » ou encore la maquette de mon projet d’exposition de photographies du Jardin des Tuileries. Leurs dimensions ne permettent pas d’en faire une présentation sur internet. Inversement, d’autres images perdent tout intérêt lorsqu’elles sont présentées en très grand format.
Il résulte de ces éléments que dans la majorité des cas, regarder une image à l’écran ne fait que nous donner l’illusion de voir l’image originale. à l’exception de certains projets multimédia, seul le monde physique permet de montrer une image dans sa réalité qu’elle soit fixe ou cinématographique. En effet, seul les projets multimédia sont directement conçus en fonction des caractéristiques des supports informatiques et encore regarder ce même projets sur un téléphone portables et sur une tablette grand-format transforme profondément l’expérience visuelle. Regarder une image sur un écran, c’est donc regarder une illusion d’image, tout au mieux une fiction d’image.
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Regard sur l’image,
un ouvrage sur les liens entre l’image et le réel.
350 pages, 150 illustrations, impression couleur, format : 21 x 28 cm,
France Métropolitaine : prix net 47,50 € TTC frais d’expédition inclus,
Tarif pour la CEE et la Suisse 52,00 € , dont frais d’expédition 6,98 €,
EAN 13 ou ISBN 9 78953 66590 12,
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