Exposition dans le cadre du 6e Forum Mondial de l’Eau, Hall1, Mars 2012 à Marseille.
« Mais où est le péril, / Là croit aussi ce qui sauve. » Hölderlin
Avec ce travail sur l’avenir de la terre, développé depuis 1993, composé de photographies de reportage, de photographies construites autour de la terre photographiée par satellite ; j’essaye de constituer un ensemble d’images qui montre les deux directions de notre interaction avec notre résidence afin d’éveiller notre attention, sans pour autant déclencher un sentiment d’impuissance et de frustration qui n’engendrerait qu’inaction. Pour cela, j’alterne entre photos-alarmes et photographies illustrant une issue positive à cette tâche qui nous incombe à l’orée du XXIe siècle : prendre soin de notre maison-terre.
Je n’oublierais jamais la première fois que j’ai vu les images de la terre photographiée depuis un satellite, c’était dans Paris-Match, dans la seconde partie des années 1960. Immédiatement, comme de nombreuses personnes, probablement frappé par sa beauté, quelque chose pris naissance, cette impression de fragilité, un peu fugace au départ, mais qui s’est renforcée au fil du temps, avec la découverte, à la télévision des images filmées depuis Apollo, à moins que je ne les ai vues dans l’ordre inverse, peu importe, dans ma mémoire, ces deux instants ne font qu’un : le choc de la révélation. Ensuite, il y a « 2001, l’Odysée de l’espace » de Stanley Kubrick...
Puis, cette image me frappe à nouveau et cette impression de fragilité s’en trouve renforcée. Il s’agit des films pris depuis la navette spatiale, lors de l’un de ses tous premiers vols, à nouveau à la télévision. Je me souviens encore de ce moment : au premier plan la soute de la navette et le bras articulé, au fond, au loin, la terre. Et à nouveau, cette sensation de fragilité et pourtant même dans les proportions de l’image, cette sensation n’était pas logique. La navette au premier plan aurait dû me paraître fragile, j’aurais pu - du sentir la petitesse de l’homme face à cette grande chose : une planète. Eh bien, non, là encore, cette sensation de fragilité s’accroît et elle ne s’accroît pas au profit d’un sentiment de la puissance de l’humanité, bien au contraire.
La troisième fois, c’est en 1995, je suis à Washington, je visite le Smithsonian Institute, la programmation de la salle Imax annonce la prochaine projection d’un film sur la terre tournée depuis Discovery. Je pénètre dans la salle, impressionnante par sa hauteur, d’un côté un mur de gradins, de l’autre un écran de plus de vingt mètres de haut : naturellement, je m’installe à mi-hauteur de l’image, afin de bénéficier du meilleur point de vue. Je vois à nouveau ces images qui ne me sont plus inconnues mais, pour la première fois dans une pareille dimension –ce n’est pas la première fois que je vois des images d’une telle taille, j’ai fréquenté à plusieurs reprises les salles géantes de Las Vegas– je les trouve toujours aussi belles mais, ce qui me frappe, c’est que contre toute attente ce sentiment de fragilité est à nouveau ressenti et encore plus intensément dans cette immensité noire, j’aurais pu, dû me sentir écrasé, elle occupe 80 % de l’écran !
De la qualité du paysage dépend la qualité de l’eau et à travers ce travail nous voulons révéler ce lien. Révéler ce lien, c’est simultanément montrer notre part de responsabilité quotidienne et individuelle dans la qualité de l’eau. Actuellement, le discours sur l’environnement met en valeur les responsabilités collectives qui sont réellement importantes. Cependant, nous pensons qu’il est nécessaire d’insister sur les responsabilités individuelles qui sont toutes aussi importantes.
Depuis, il y a eu Fukushima et pire encore, l’extraction du gaz de schiste. Outre la gabegie de l’eau, absurdité totale dans un monde où l’on affirme à coup de gros titres que l’eau sera l’enjeu du XXIe siècle ; il y a cette folie qui veut détruire définitivement un biotope pour produire l’énergie qui nous est nécessaire. Il se peut que Dieu ait chassé l’Homme du Paradis, il est certain que, si l’Homme continue sur ce chemin, il va, de lui-même, se chasser de la terre, source de vie.
Laurent Gervereau, directeur du Musée du Vivant, lorsqu’il a découvert mon travail remarquait que je réussissais à rendre esthétique la destruction, que je faisais du beau avec du laid. La laideur, la destruction provoque la fuite, les rendre esthétiques nous oblige à les regarder, à faire face et à réaliser qu’il nous faut agir chacun à notre niveau.
Par-delà, il y aussi l’espoir de la prise de conscience nécessaire à l’action. Hervé Bernard
L’Écume de la Terre, interview autour de cette exposition qui se déroulera dans le cadre du 6e Forum Mondial de l’Eau, Mars 2012 à Marseille.