Regard sur l’image

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- Photographie, perception et réel (5)

,  par Hervé BERNARD dit RVB

La photographie nous fait croire qu’elle est la copie de la réalité, du réel et cette chose étonnante se manifeste par son adéquation avec nos perceptions. Comment la photographie arrive-t-elle et comment notre perception arrive, elle aussi, à nous donner une image du réel, de ce que nous nommons le réel ?

Son adéquation avec nos perceptions est tel que la photographie pêche aussi par les mêmes faiblesses. Ainsi, l’un et l’autre sont incapables de nous figurer le devant et le derrière et tous les côtés simultanément. Ces autres points de vue sont livrés à notre imagination. De par cette échec, la photographie serait alors en parfaite adéquation avec l’idéalisme kantien. En effet, par la photographie nous ne connaissons du monde que l’idée qu’en forme notre conscience comme nous l’explique David Marr parlant de la perception. À son avis, celle-ci, comme la photographie, est incapable de rendre compte du derrière et des côtés étrangers à son point de vue.

Pourtant simultanément, la photographie est la démonstration de l’échec de l’idéalisme d’Husserl. En effet, si le chat est un pur esprit. Comment expliquer que le chat renvoie des rayons lumineux et comment la photographie reproduit-elle ces mêmes rayons lumineux, eux-mêmes pur-esprit, renvoyés par le chat, lui-même ce pur esprit ? Si le chat est un pur esprit et si la photographie le reproduit, alors, elle est, elle-même, un pur esprit. Une conclusion s’impose : le monde dans sa globalité et nous-même par la même occasion devenons des purs-esprits. Genre de solipsisme qui boucle et nous amène à croire que chacun d’entre nous est dieu et invente le monde. Cependant, admettons quelques instants que chacun d’entre nous soit un dieu.

Surgit alors une autre question : qu’elle est la source de la similarité entre tous ces mondes crées par chacun de ces dieux ? Il faudrait une sacrée convergence, voire une convergence sacrée entre ces dieux et ces créations pour qu’une telle similarité existe. Et, cette convergence, nous semble irréaliste.

Hommage au chat de Schrödinger
© Hervé Bernard 2010

En fait la photographie nous amène à affirmer la matérialité du monde car cette matérialité est la seule réponse à la convergence perceptive et photographique. En effet, l’existence de cette matérialité est la seule explication de la similarité des perceptions humaines entre elles.

Si, toutefois, le monde est un pur esprit, nous aurions accumulé beaucoup de matérialité pour nous prouver que le monde n’est que pur-esprit et ainsi expliquer le fonctionnement de la photographie. Et là, le chat se mord à nouveau la queue, si nous avons accumulé toute cette matérialité pour nous prouver que le monde est un pur-esprit et cette accumulation-là, nous l’avons matériellement et indiscutablement réussie, on parle assez souvent de biens de consommation. Cette réussite fait que, soudain, le monde ne peut plus être un pur-esprit. Le chat peut alors affirmer : « Le monde est matériel ». Rassuré, il se mord la queue avec encore plus de vigueur qu’avant d’avoir entamé cette réflexion. Cependant, absorbé dans cette tache essentielle, il entend soudain le chien de A.Schopenhauer affirmer :
« Je ne vois pas ce qui est ; ce qui est, c’est ce que je vois. ». Le chat furieux bondit alors à la face du chien, la lui lacère en lui demandant : « Et les déchirures sur ta gueule et sur ton dos, c’est ce qui est, ce que tu vois ou ce que tu sens ou les trois à la fois ? »

© Hervé Bernard 2010


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EAN 13 ou ISBN 9 78953 66590 12,
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