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Regard sur l’image

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- « Et Dieu créa l’Homme à son Image. »

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Les membres des religions du Livre sont convaincus d’’être les seuls à pouvoir énoncer cette proposition. « Et Dieu créa l’Homme à son image. » Est-ce bien certain ? Cette affirmation ne serait-elle pas tout simplement l’image de notre anthropomorphisme naturel ? L’image de cette tendance à reconnaître dans le moindre caillou, bout de bois ou racine, l’image de notre corps ou de notre visage ?

« … la mante est considérée comme « un homme de l’ancienne race » (tradition des Bochimans du Sud). Il a donné aux animaux sauvages leurs couleurs et leurs noms, c’est-à-dire qu’il les a créés, puisque, dans la pensée primitive, donner un nom est équivalent à créer. […]. » [1].

« Sans doute, est-ce là le fait d’une obscure identification facilitée par son aspect remarquablement anthropomorphe. L’aspect anthropomorphique d’un élément paraît en effet une source infaillible de son emprise sur l’affectivité humaine. Ainsi en va-t-il par exemple des vampires et des mandragores, et des légendes qui y sont relatives. […]. »

« Ce n’est nullement par hasard, à mon avis, que les croyances aux spectres suceurs de sang utilisent comme support naturel une sorte de chauve-souris. De fait, l’anthropomorphisme, de cette dernière, est particulièrement profond et dépasse de beaucoup le stade de l’identité générale de structure (présence de véritables mains, avec pouce opposable aux autres doigts, mamelles pectorales, flux menstruel périodique, pénis libre et pendant). […]. »

« Or , la mante ne rappelle pas seulement la forme humaine par son aspect général, mais, seule des insectes avec les larves d’odonates, elle a comme l’homme la faculté de tourner la tête pour suivre des yeux ce qui a capté son attention1. » Roger Caillois in La mante religieuse. Cette force de l’image est tellement intense, que cette position de la prière est pointée dans de nombreuses dénominations de cet insecte et pas seulement dans les langues européennes.

Cependant, je ne peux suivre Roger Caillois lorsqu’il affirme que seul dans les civilisations primitives, le fait de donner un nom donne une existence aux choses. Ce phénomène se vérifie tout autant dans la pensée occidentale. En voici quelques exemples extraits de l’histoire européenne :

 Plus une langue est précise dans sa terminologie pour désigner les personnes issues du mélange des autochtones et des étrangers ou encore du mélange de personnes issues de différentes religions, plus elle est raciste. En effet, ces termes permettent de mieux les désigner en tant qu’étranger en montrant du doigt leur différence. Cette désignation effectuée, il est facile de les parquer, de les exclure voire de les chasser comme nous le montre l’Espagne d’Isabelle la Catholique tout en permettant ainsi à la vindicte populaire de se défouler sur les dites personnes qui deviennent de splendides boucs émissaires.

 De même, au début du XXe siècle simultanément au développement des véhicules motorisés qui devinrent véhicule automobile est apparu un vocabulaire qui a permis, progressivement de répertorier les genre afin de rendre la communication plus aisée. Ainsi, parallèlement à l’apparition de ces véhicules, une terminologie a pris forme ex-nihilo ou issu de transformations de l’ancien vocabulaire comme le mot camion l’atteste tout comme la boite de vitesse. Celui-ci, à l’origine, désigne une « voiture basse à bras ou à chevaux utilisée pour le transport de charges lourdes notamment à l’intérieur des villes » pour dériver, avec l’augmentation de la charge des véhicules automobiles vers son sens contemporain : « Gros véhicule automobile utilisé pour le transport des marchandises ». De même, le terme semi-remorque désigne un type particulier de gros camion : ceux-ci sont dotés d’une remorque, cependant, contrairement à une remorque traditionnelle, leur attelage se fait sur une mini-plateforme faisant corps avec l’arrière d’un camion dénommé tracteur. C’est ce système d’attelage qui les différencient de la remorque traditionnelle. Parallèlement, dans le domaine du transport de passager, la forme des véhicules automobiles se distinguant progressivement des véhicules à traction animale, le glissement de formes a entrainé un glissement de vocabulaire puisque le break et le cabriolet ont été des véhicules à traction animale avant d’être des véhicules automobiles. Certes cet exemple, contrairement, à l’exemple précédent montre que l’évolution du vocabulaire et l’apparition de l’objet se font par aller-retour entre ces deux domaines. Cependant, dans ce cas, l’évolution de l’objet depuis la traction animale vers la propulsion automobile s’est plus fait, en tout cas dans la forme et l’esthétique par un glissement des formes plus que par une rupture dans leur dessin. Ici, la rupture, d’une certaine manière a été interne et le véhicule, dans un premier, s’est construit à l’image de ses prédécesseurs d’où le recyclage des termes du monde animale.

 Venons en à un troisième exemple, qui, lui, montre, combien l’absence de vocabulaire ou son imprécision sont nocifs au développement d’un domaine. Il s’agit du domaine de l’image et plus particulièrement des techniques représentant le relief. L’image relief comme l’indique la juxtaposition de ces deux termes en un mot composé -même si l’absence de tiret laisse croire au contraire- est d’une grande imprécision. En effet, d’une certaine manière, l’image selon la perspective est, en comparaison, une image relief grâce à la profondeur créée par le point de fuite : la sculpture est, elle aussi, une image relief. En effet, ce terme ne comporte aucune précision quand à la technique utilisée pour restituer ce relief. L’image stéréoscopique, désigne quand à elle une image relief qui simule le fonctionnement de la vision binoculaire. Quant à l’image 3D, elle désigne non seulement l’image relief, l’image stéréoscopique et l’image en relief mais aussi l’image de synthèse générée à partir d’une base de données (voir notre article à propos de ce terme), ces dernières images n’étant au demeurant en relief que dans la base de données. C’est-à-dire, virtuellement, car visualisées sur un écran, elles passent dans le monde de la 2D à moins que ne leur soit, simultanément appliqué, les principes de la vision binoculaire comme, par exemple, dans la version relief de Toys-Story produit par Pixar. Dans ce cas, nous sommes en présence d’une image de synthèse 3D et en relief contrairement aux images de la première version du Titanic qui sont des images réelles associés avec de l’image de synthèse 3D mais, diffusées en 2D. En fait, la seule image en relief, c’est-à-dire une image dont il est possible de faire le tour est un hollogramme. Plus largement, le monde de l’image souffre de cette imprécision non seulement dans la qualification des techniques mais aussi dans la désignation des genres. Ainsi, un photographe professionnel qui réalise des portraits dira, tout comme le père de famille, qu’il fait du portrait. Pourtant, nous ne sommes pas en présence de la même image.

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Regard sur l’image,
un ouvrage sur les liens entre l’image et le réel.
350 pages, 150 illustrations, impression couleur, format : 21 x 28 cm,
France Métropolitaine : prix net 47,50 € TTC frais d’expédition inclus,
Tarif pour la CEE et la Suisse 52,00 € , dont frais d’expédition 6,98 €,
EAN 13 ou ISBN 9 78953 66590 12,
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« Si les bœufs avaient un dieu, il aurait des cornes. » Xénophane

- Paréidoles, Ressemblance et imagination