Dessin de Teodor Cerić
« L’illusion la plus redoutable de l’écriture est celle qui consiste à vous faire croire qu’elle peut abroger l’espace, et même le temps, rendre à nouveau présent ce qui ne l’est plus, ou atteignable, ce qui est perdu à jamais. Je crois que j’ai cédé à la tentation. Et il est vrai que pendant que j’essayais de faire renaître ces jardins sur la page, je les retrouvais là où je les avais laissés, je les parcourais à nouveau, avec la même joie, comme si j’étais encore le jeune chien errant de ces années-là ou comme si les lieux n’avaient pas vieilli. Une illusion, mais tellement agréable ! »
Cette citation est en exergue du court-métrage Empreintes
Teodor Cerić
Jardins en temps de guerre p146, ed Actes Sud, coll un endroit où aller Récit traduit du serbo-croate par Marco Martella
En 1992, lorsque la guerre éclate en Bosnie, l’étudiant poète Teodor Cerié quitte Sarajevo. Pendant sept ans, il voyage à travers l’Europe, et au fil de son exil, il découvre des jardins souvent méconnus ...
Teodor Cerié, auteur et narrateur dont Marco Martella revêt les habits dans ce court récit, est un jeune étudiant en lettres, qui décide, au printemps 1992, quand l’armée serbe lance son offensive sur la ville de Sarajevo, de contourner le blocus militaire pour quitter son pays et voyager à travers le continent européen, qu’il va sillonner pendant sept ans. Au cours de ses années d’errance, Cerié va peu à peu élaborer une pensée du jardin, fondée sur une conception romantique de la nature, en arpentant- carnet de notes et de croquis à la main- des jardins à la marge, nés des rêves de leurs singuliers créateurs. Sur ses pas, on découvre ainsi le jardin de Beckett, en Seine-et-Marne, le parc paysager de Painshill, près de Londres, en passant par Prospect Cottage, le jardin de Derek Jarman dans le Kent, ou celui de Monte Caprino, caché sur les collines de Rome ... Cerié raconte ces lieux et en révèle la dimension poétique et existentielle ; leur capacité pacificatrice à échapper au désastre de l’histoire, à la perversion de notre civilisation, et à offrir un refuge où le « monde devient enfin habitable ».
Marco Martella, écrivain, historien des jardins et traducteur postiche du très remarqué jardin perdu de jorn de Précy, épouse cette fois la langue serbo-croate pour réunir dans ce livre les textes issus des carnets de voyage de son nouvel hétéronyme. Et c’est avec une extrême finesse et une grande habileté stylistique, entremêlant la richesse des notations sur les jardins avec des souvenirs personnels, des références réelles ou imaginaires, que son projet littéraire s’affirme de livre en livre comme l’instrument d’une prise de position esthétique et philosophique, une poétique des jardins, une pensée en mouvement, mâtinée de merveilleux, de mélancolie et de grâce.
L’auteur
Poète et critique littéraire pour la presse bosniaque, autrichienne et italienne, Teodor Cerié a publié un recueil de poèmes, Seul le poétique peut tuer la poésie (Aporija, 2007). Il s’est ensuite entièrement consacré à sa dernière oeuvre :son jardin. En 2015, il a aussi collaboré à Empreintes, un court-métrage sur le Jardin des Tuileries réalisé par Hervé Bernard
Le “traducteur”
Historien des jardins, Marco Martella dirige la revue Jardins (éditions du Sandre). Il a écrit et dirigé de nombreux ouvrages sur l’art et l’histoire des jardins. Il est responsable de la valorisation du patrimoine vert des Hauts-de-Seine. Il a publié chez Actes Sud en 2011 Le Jardin perdu de Jorn de Précy (prix Saint- Fiacre, prix P J Redouté, prix Versailles Lire au jardin, premio Ceppo, prix Tortoni