Préambule
Logan Connors est professeur de littératures et langues modernes à l’université de Miami. Ses domaines de recherche sont principalement focalisés sur l’histoire du théâtre français du XVIIe et du XVIIIe siècles et sur et les théories de la performance. Il a travaillé notamment sur la théâtralisation de la guerre entre philosophes (Voltaire, Diderot, etc.) et leurs ennemis au XVIIIe siècle (Dramatic battles in eighteenth-century France, Oxford University Studies in the Enlightenment, 2012) et sur la théorisation des émotions dans les écrits sur le théâtre au XVIIe et XVIIIe siècle (The emergence of a theatrical science of man in France, Oxford University Studies in the Enlightenment, 2020). À Miami, il enseigne la littérature française de ses « origines » au Moyen-âge jusqu’à présent ainsi que les cours pluridisciplinaires sur la performance, sur les révolutions et sur la construction sociales des émotions.
L’entretien
Son nouveau projet de recherche cible les liens entre le théâtre et la guerre à l’époque « des Révolutions » (française, américaine, haïtienne) au XVIIIe siècle. C’est une ‘’suite’’ à son édition critique du Siège de Calais (1765), publiée, il y a environ 10 ans. Le Siège de Calais était présenté par son auteur, Pierre-Laurent de Belloy, comme la « première tragédie nationale » française. Jouée à travers la France et partout en Europe, cette pièce a remporté un grand succès à tel point que lorsqu’elle est publiée par le chef militaire du Cap-Français, à Saint-Domingue, quelques mois après sa création à la Comédie-Française, elle fut la première pièce imprimée dans une colonie française. Simultanément, elle est lue dans les casernes et dans les bases militaires à Lille, à Versailles, à Metz et ailleurs. Cette édition critique a été publiée par le MHRA (qu’est-ce que c’est) en 2014. Ensuite Logan Connors a notamment publié un livre sur le théâtre et les émotions. Depuis cette publication, il souhaitait revernir au Siège de Calais et, plus généralement, à sa capacité à gagner du terrain et de l’influence (quelle influence) auprès des militaires français.
Le Siège de Calais était en fait une combinaison d’efforts de son auteur et d’interventions gouvernementales. Conceptualisée avec l’aide des cadres militaires ; la pièce a été soutenue par le duc de Choiseul, le duc de Duras et par d’autres dirigeants militaires du pays. Comprendre les motifs d’un tel soutien est l’une des bases de cette recherche. Mais d’autres axes sont envisagés dans cette recherche :
Cette pièce et son ‘’impact militaire’’ aussi puissant était-elle un cas unique ?
Dans l’ensemble, quelles étaient les relations entre le théâtre et l’armée à la fin du XVIIIe siècle – une période de changement fondamental des cultures militaires et théâtrales ainsi qu’une des périodes les plus politiquement bouleversée de l’histoire européenne ?
Son nouveau projet de livre, Theater, War and Revolution in Eighteenth-Century France and its Empire (à paraître avec Cambridge University Press en 2024) essaie de répondre à ces questions. Le livre va traiter divers sujets y compris des pièces théâtrales militaires de l’ancien régime, les théâtres militarisés de l’époque (comme le Théâtre de la Marine à Brest, le seul théâtre construit par les militaires au XVIIIe siècle, ou la Comédie du Cap-Français, un théâtre avec une forte présence militaire aux Caraïbes). Il analyse aussi les représentations totalisantes de la Révolution qui dépeignent des sièges, des batailles et des assauts républicains ainsi que l’armée coloniale et son rapport aux spectacles et la place des femmes dans toute cette histoire militaire-théâtrale.
Ce livre présente la militarisation des arts d’un seul pays et dans un lieu et temps spécifique. Néanmoins, la politique et la persistance de la guerre aidant, cette analyse des liens entre le théâtre et l’armée n’est pas une exception et l’on pourrait transposer son questionnement au XXe siècle avec le théâtre aux armées comme le montre la Seconde Guerre Mondiale, la Guerre de Corée, la Guerre d’Algérie et fort probablement la guerre en Ukraine même si l’on dispose, pour l’instant, de peu d’informations pour cette dernière.