Regard sur l’image

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- Au bord du volcanBruce Clarke à la galerie Art-Z

,  par Hervé BERNARD dit RVB

Le mot Holocauste est entré dans le langage courant pour décrire le sort des Juifs européens sous le régime nazi, et plus généralement le sort des victimes de l’univers concentrationnaire dans la Grande Allemagne du IIIe Reich. Étymologiquement, holocauste signifie en grec « totalement consumé par le feu ». Ce nom commun a pris une majuscule pour nommer la destruction de millions de personnes littéralement réduites en cendres après leur assassinat.

Parce qu’il n’en reste rien, cette extermination n’est pas « représentable ». Comment, dès lors, aborder leur représentation plastique ? J’ai choisi de le faire en travaillant sur des métaphores visuelles. Ainsi, les tableaux d’incendies qui se propagent sur de grandes étendues de forêt, consumant tout sur leur passage, évoquent la mort totale. La fuite pour y échapper est exceptionnelle, miraculeuse, comme elle le fut dans les camps de la mort.

© Bruce Clarke

La métaphore de l’incendie me permet aussi de donner une signification élargie à l’holocauste. L’Holocauste (avec « h » majuscule) est l’appellation donnée au moment culminant de la destruction des Juifs d’Europe mais il doit être restitué dans le contexte historique de la première moitié du xxe siècle. Le génocide des Juifs a eu des précédents avec celui des Arméniens par les Turcs et celui des Hereros et les Namas par les militaires allemands dans l’actuelle Namibie. Il a également eu des équivalences tardives : génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda, génocide d’une partie du peuple cambodgien par l’autre…

L’usage du mot « équivalence » ne signifie pas que les génocides du xxe siècles sont identiques ou similaires. Il signifie simplement que les événements atroces ne sont pas exceptionnels dans l’Histoire, en particulier dans l’histoire moderne. Les génocides résultent d’une planification méthodique ; ils supposent des « répétitions générales » au travers de l’organisation de massacres à plus petite échelle, qui permettront de déterminer si l’opinion publique – préalablement « travaillée » – suivra.

© Bruce Clarke

Les images métaphoriques des incendies sont donc, aussi, des allusions à notre présent. Elles laissent entrevoir l’avenir qui nous attend si l’on n’y prend garde.

Les paysages dévastés par le feu font écho aux paysages industriels suggérant la richesse et l’histoire d’un passé industriel. Par ce jeu de miroirs visuel, je pose une question : l’industrialisation intensive n’a-t-elle pas été une étape majeure vers l’aliénation de l’homme ? Si la notion de « travail à mort », poussée à son paroxysme, a connu son apogée dans les camps de travail nazis avec la politique d’« extermination par le travail », ses prémices étaient déjà énoncées dans les théories du travail du début du xixe siècle. L’ouvrier y était considéré comme un simple outil remplaçable à volonté dans la course vers l’enrichissement du propriétaire de l’usine.
Bruce Clarke